Légèrement avant 6h du matin, quand l'heure nipponne est toujours ancrée dans ma tête et dans mes entrailles, faute de trouver le sommeil, j'allume la télévision pour la première fois depuis que je suis rentré en France. De toute évidence, je ne vais pas trouver les programmes les plus demandés à cette heure avancée, mais cela tuera le temps, pendant que le reste de la France s'active.
Sur la une, je trouve deux vieux, partant à la chasse avec leurs chiens, dans les fougères humides d'une forêt française. Je zappe. La deux est partie dans un trip: c'est la visite d'une maison immense, genre maison coloniale, le tout filmé comme un film d'horreur, avec la caméra qui se déplace au ras du sol, alors que quelqu'un chante péniblement, en guise de fond sonore. Sur la trois, un barbu illuminé caresse son tambour amoureusement. La suite, sur Canal, c'est du foot en crypté. Je distingue un type qui se relève d'une prétendue faute, typique. Sur la cinq, un type creuse un trou; on voit ses pieds et sa bêche. Je crois qu'il s'agit d'un documentaire sur des arbres quelque part en Afrique. Finalement, sur la six, il y a une image fixe d'un black cool avec des lunettes de soleil disproportionnées, inscrit dans un cercle psychédélique. Je pense que je suis tombé sur la fin d'un clip de musique. Je refais un tour sur la une, les deux vieux marchent encore dans les fougères.
La boucle est bouclée, je vais essayer de me recoucher...
C'est pendant mon rapide séjour en France, de passage en vacances à Bordeaux, que j'entends la nouvelle. Jacques Villeret est décédé à l'âge de 53 ans. Je l'entends d'abord d'une personne dans un magasin, qui avait elle-même dû l'entendre à la radio, mais je n'y prête pas trop attention, ne sachant pas s'il faut juste ignorer les murmures ou bien accepter cette annonce surprenante. Puis au fil de la journée, tout le monde ne parle plus que ce ça. Jacques Villeret a succombé à un malaise le vendredi 28 janvier 2005, plus tard identifié comme une hémorragie interne.
Sans pourtant être un grand admirateur du comédien, la nouvelle perturbe. Je le trouvais excessif dans la soupe au choux, il me faisait un peu de la peine dans le rôle légèrement décalé de la caricature de son propre personnage dans le dîner de cons, mais je dois avouer qu'il faut du courage et de la passion pour savoir garder cette naïveté insolente dans les yeux et une forme rondelette, qui le feront passer comme l'ami de tous, le faire-valoir des autres.
Chapeau bas, donc, car c'est un monument que l'on croyait immuable qui vient d'être prématurément retiré. Un de ceux dont on réalise la réelle importance quand leur absence devient peine et tristesse.